Beauté divine

Un vendredi après-midi, à l’heure du bilan de fin de semaine dans le laboratoire céleste de Dieulepère, Saintpierre, le chef du labo, s’indigna contre les résultats présentés par son équipe ailée.
– Ce n’est pas possible ! hurla-t-il en pointant du doigt le camembert (caprice des dieux) des statistiques humaines de la semaine. Nous avons conçu cette expérience pour analyser l’autogestion de milliards de prototypes humains tous différents dans un espace confiné, la Terre. Vous, vous me dites que le nombre de « beaux » augmente de manière exponentielle ? Pire encore, qu’ils réussissent mieux que les autres ?
– Oui, c’est ça, soupira Angegabriel. C’est la 5438ème semaine de suite que nous faisons le même constat. Notre modèle statistique ne peut pas être mis, une fois de plus, en doute. Saintpierre, il faut vous faire une raison.
– Mais, bon dieu ! Vous ne vous rendez pas compte ! Si je présente ces résultats à Dieulepère, nous serons condamnés à courir dernière les brebis égarées pour le reste de l’éternité.
Il fixa les 12 anges installés autour de la table et ajouta :
– Dieulepère a créé le monde à son image, il ne tolèrera pas qu’elle soit réduite à celle d’un sex-symbol ! Nous allons changer notre mode opératoire ! Marcolangello, viens ici.
L’ange brésilien, s’approcha un peu inquiet. Saintpierre prit le visage basané aux traits fins entre ses gros doigts potelés. Il plongea ses yeux de pierre dans le regard de braise de Marcolangello. Il tâta sa musculature d’apollon, joua avec ses cheveux rasta et lui rendit son sourire éclatant.
– Parfait! Conclut Saintpierre. Tu es, de loin, le mieux réussi physiquement d’entre-nous. Voici ce que nous allons faire. Tu vas descendre sur Terre, sans aucun autre atout que ta beauté physique et un saxophone. Nous verrons si tu parviens à devenir, comme le montre vos statistiques, un humain respecté et reproducteur aisé.
C’est ainsi que Marcolangello débarqua dans le quartier touristique de Belèm à Lisbonne. Il utilisa la porte du paradis n°86 978 d’une maison en ruine au milieu des ambassades. Depuis ce jour, chaque matin, il sort par cette porte et va exposer, en musique, sa beauté dans une passerelle souterraine. Chaque soir, il passe la porte dans l’autre sens et retourne dieu sait où… A ma connaissance, il n’a pas encore démontré que les statistiques humaines du laboratoire de Dieulepère étaient correctes.
Et vous, vous avez déjà imaginé la vie des inconnus que vous croisez?










mars 14th, 2009 - 17:07
Géniale cette histoire. Mais, dis donc, d’où te vient une telle imagination?